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Le naming

Le naming
Édito 167
Delphine HENRIET
Delphine HENRIET

Le baptême by marketing

7 Octobre 2014
Vous connaissez « Le prénom », pièce de théâtre et film, qui, même poussés dans les extrêmes, n’en demeurent pas moins plausibles car le sujet nous parle. Choisir le prénom d’un enfant, être cher parmi les chers et, de surcroît, chair de notre chair (parfois), est chose ardue, matière à débat, à hésitation… Et pour cause : il accompagnera toute sa vie (sauf procédure spéciale) celle ou celui à qui il aura été donné.

Porter bien son nom (ou son prénom) est d’ailleurs une expression pleine d’à-propos. Quant à aimer son prénom, c’est une tout autre affaire, et j’ose écrire que certains parents sont condamnables en la matière. Où était leur bon sens à ce moment crucial-là ?

Lapsus révélateur, vengeance inconsciente (toi aussi ma fille ou mon fils), provocation, originalité débridée, passéisme décalé (ou avant-gardiste, dans le meilleur des cas)… sont à l’origine de bien des impairs, façon Monsieur et Madame ont une fille ou un fils qui s’appelle… Je vous le donne en mille Emile…

Je vous passe les Brandon, Jennifer, Jonathan… suggérés par quelques séries télévisées à succès, le prénom de la grand-mère maternelle sortie d’outre-tombe, qui s’il est Emma tout va mais s’il est Germaine, il prénommera une âme en peine. Il y a également les wagons de prénoms en hommage au père, aux grand-pères… et au Saint-Esprit. Longuet sur un Etat Civil et matière à tensions familiales. A ce propos, pour éviter stress et discussions, mieux vaut taire le prénom, avant la naissance, au risque de devoir s’expliquer avec toute la famille au grand complet. Ingérable…

En cosmétique, cet art de bien nommé, et plus précisément de créer un nom, s’appelle le naming, anglicisme à la sauce marketing. Et il s’agit de « nouveau-nés produits » : crèmes, masques, sérums, toniques… qui promettent jeunesse, lissage, éclat, homogénéité et tutti quanti. Ici, contrairement aux prénoms, inutile de prendre feu le calendrier de La Poste pour trouver la bonne appellation. Il faut, au contraire, être original, parlant et vendeur pour se démarquer de la concurrence, tout en surfant sur sa vague ou sa sémantique gagnante, et pouvoir ainsi espérer le Saint Graal Copyright, récompense des récompenses.

Ainsi, pour exceller dans le naming, profession à part entière comme vous l’aurez compris, des agences spécialisées sont nées (elles aussi). Avant toute création, elles étudient la concurrence, les verbatim « successful » pour tenter de trouver celle qui s’en approchera tout en s’en éloignant. Périlleux exercice que de se démarquer dans la lignée ou au contraire de rompre le fil, en tentant de faire le « bon buzz » par la naissance d’une nouvelle tendance nominative.

A défaut de Kevin, Emma, Jordan, Carla voire Nicolas, François et Ségolène, place à Sublissime, Nirvanesque, Sublimence, Merveillance, Divine, Lissiline…
Et vous, vous font-elles rêver ?
Mais surtout, est-ce le nom qui fait le produit, ou le produit qui se fait un nom ?

Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel édito.