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Comment les médias nous parlent mal

Comment les médias nous parlent mal
Édito 153
Delphine HENRIET
Delphine HENRIET

Maudits mots !

3 Juin 2014
Sans caricaturer, nombreux sont ceux qui « gagatisent » quand ils s’adressent à un bébé, à grand renfort de « areuh », « gouzi-gouzi » et autres onomatopées. Et je ne vous parle pas du ton utilisé, en un mot abêtissant. L’autre travers dans la relation adulte-bébé est de parler à la troisième personne : « Maman s’en va… Donne à Papa… » Or, cette déformation limite égocentrique, est déconseillée dans l’apprentissage du langage et de l’autonomie. Pédo-psychiatres, psychologues, pédagogues… vous le diront : on parle « même » à un bébé à la première personne pour qu’il s’approprie aussi le je, le moi, le moi aussi je suis.

Entre nous, je trouve le « dis à maman » limite « débilisant » pour l’adulte, et preuve s’il en est besoin, d’une non maîtrise de la situation, d’un début de capitulation face à l’autorité parentale voire même d’une obstruction à grandir vite et bien.

Pour la petite histoire, quand j’ai demandé à ma nounou de s’adresser à ma tête blonde, à la première personne, sans dire « donne à nounou… », comme elle avait l’habitude de le faire, elle l’a très mal pris, sous-entendant que j’étais en train de lui donner une leçon de français. Loin de moi cette idée, mais j’ai tenu bon m’appuyant sur quelques proses spécialisées pour faire passer la pilule du « je ».

Dans la même veine, vous savez comme moi que l’enfant comprend tout. Il est non seulement l’éponge de son environnement, c’est-à-dire nous à travers notre être, nos émotions… mais il est capable d’appréhender les sujets sérieux ou graves qu’on lui révèle, que sa conception ait été un parcours du combattant, sa naissance difficile, la période d’après un baby-blues… Ces « aveux » sont même indiqués pour que la relation enfant-parent se construise sur de bonnes bases, dans la sérénité et sans non-dits.

Mais revenons à nos moutons : les médias.
Comme vous l’aurez compris, après ce préambule, le langage est clé pour faire passer un message, renforcé par le ton employé. Or, une sémiologue, Mariette Darrigrand, vient d’écrire « Comment les médias nous parlent (mal) ». Dans cet ouvrage, reflet de notre société ultra-médiatisée, elle pointe du doigt les effets nocifs du langage pessimiste journalistique et l’immobilisme qu’il créé par l’utilisation d’un vocabulaire négatif et plaintif. Il n’y a d’ailleurs qu’à regarder un journal télévisé pour avoir le bourdon. Si « les Français sont des veaux », cet abus de langage renforcerait encore ce nivellement par le bas, limite anesthésiant. Parmi les « it » mots utilisés à tout bout de champ, il y a : « fragile », « tempête », « impuissance », « crise »… en trois mots « ça va mal ».

Fort de cet éclaircissement sémantique et en attendant que la France soit championne du monde de football en gros titres, ce qui ne devrait pas tarder après sa victoire 4-0 face à la Norvège et son égalité parfaite face au Paraguay, je vous invite à relativiser le discours médiatique ambiant, à profiter de l’instant présent, à mieux vivre grâce à la pleine conscience , à prendre soin de vous… pour que mots et maux glissent loin de vous.

Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel édito.